L’Intelligence artificielle, selon Edouard Philippe

[ Article original par  STÉPHANIE MUNDUBELTZ-GENDRON @stephmundubeltz  ]

Edouard Philippe a lancé officiellement la stratégie nationale sur l’intelligence artificielle (IA) le 8 septembre 2017.

L’occasion pour le Premier Ministre de rappeler les enjeux et les atouts de la France sur ce sujet majeur, ainsi que la mission de Cédric Villani qui a trois mois pour rendre ses recommandations.

Voici ce qu’il faut retenir de son discours.

Edourd Philippe
Edouard Philippe

« La France a une très belle carte à jouer » en matière d’intelligence artificielle, a déclaré le Premier Ministre le vendredi 8 septembre 2017 au CNAM. Pour lancer officiellement la stratégie « Intelligence artificielle » du gouvernement, Édouard Philippe était entouré de Mounir Mahjoubi, secrétaire d’Etat en charge du numérique, de Frédérique Vidal, Ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, et de Cédric Villani, mathématicien et parlementaire, nommé pour cette stratégie nommée #missionIA.

Avant de citer les « 5 atouts maîtres » de la France en matière d’intelligence artificielle, Edouard Philippe a d’abord rappelé les enjeux stratégiques.

#MISSIONIA : LES 4 GRANDS ENJEUX

Si le Premier Ministre est conscient qu’il ne s’agit pas des seuls enjeux de l’intelligence artificielle pour l’Etat, il en a exposé quatre principaux (pour « la concision du discours », selon ses termes) :

  • Enjeux économiques
    « Il y a un marché de production intellectuelle, de service, de transformation économique, dont la croissance moyenne est estimée à deux chiffres pour longtemps encore. Et qui pourrait atteindre un total de 5 à 10 milliards dans un horizon presqu’immédiat« .
  • Enjeux sociaux
    « Ils  concernent les conséquences de l’intelligence artificielle sur le marché du travail et sont susceptibles d’avoir des impacts très vite. Probablement en ont-ils déjà d’ailleurs : disparition de certains métiers, en tout cas  disparition de certains métiers exercés par les hommes, modification de l’organisation du travail, du contenu des métiers, apparition de nouveaux besoins de formation, d’accompagnement… On voit bien là qu’il y a quelque chose de profondément déstabilisant qu’il faut prendre en compte.« 
  • Enjeux de sécurité et de souveraineté
    « Nous nous posons d’ores et déjà la question de savoir comment nous prémunir contre certaines formes d’ingérence ou de piratage de secteurs clés de notre vie démocratique et du dérèglement de notre vie démocratique (média, élections), de notre vie économique (énergie) ou de notre indépendance nationale.« 
  • Enjeux éthiques :
    « La question figure dans l’expression ‘Intelligence artificielle’ : elle peut prendre des accents d’oxymore ». Et le Premier ministre de poser une série de questions : « A partir de quand une intelligence artificielle cesse-t-elle d’être artificielle pour devenir autonome ? (…) A partir de quand cette intelligence autonome devient-elle vivante  et quelles questions cela pose-t-il à notre société humaine ? A partir de quand nos sociétés d’hommes et de machines deviendront des sociétés de homme-machine ou de machine-homme ? Derrière ces questions, se dissimule un risque, celui pour nous Européens, pour nous Français, de manquer une révolution technologique et pas seulement du point de vue économique.« 

#MISSIONIA : LES 5 ATOUTS DE LA FRANCE

Face à  ces enjeux, Edouard Philippe a donc mis en avant les « 5 atouts majeurs » de la France.

  • « Un vivier de start-up spécialisées, plus de 270 en 2016, en augmentation constante et rapide qui offrent la matière de réflexion, d’innovation, d’intelligence, de risques aussi, indispensables pour faire vivre et développer ce concept d’intelligence artificielle. »
  • « L’excellence de la recherche et de la formation, en particulier, en mathématiques. (…) Le défi est constant et en matière d’appropriation par les Français de culture mathématique et de culture scientifique. Il ne faudrait pas que la remarquable excellence dont nous pouvons nous prévaloir masque les challenges considérables que nous devons affronter. La culture mathématique  et la culture scientifique ne semblent pas prendre une importance accrue en ce moment en France. A bien des égards, je les crois remises en cause. Il y a là un combat culturel, un combat éducatif indispensable à conduire.
    Cette excellence mathématique, qui place la France au quatrième rang mondial en termes publications scientifique dans le domaine de l’IA, est un atout et nous pouvons construire à partir de cet atout. »
  • « L’existence de base données de très grande qualité concernées et exploitables dans des domaines clés comme la santé ou l’énergie »
  • « Des grands groupes de services et de conseils en numérique qui investissent massivement dans l’IA et qui encouragent sa diffusion chez leurs clients. »
  • « De très grands groupes industriels français qui sont des références dans leur secteur respectif, et des utilisateurs d’intelligence artificielle : je pense à Thalès, aux constructeurs auto, à Airbus, à Axa, Sanofi et bien d’autres… »

« Peu de pays en Europe rassemblent autant d’éléments différents et complémentaires, des éléments qui sont tous facteurs clés de réussite dans l’univers de l’intelligence artificielle », s’est félicité le Premier Ministre.

#MISSIONIA : LE CHALLENGE DE CÉDRIC VILLANI

S’adressant directement à Cédric Villani, le Premier Ministre, a aussi joué la carte de l’humour avec un « Votre mission, si vous l’acceptez« , qui a fait suscité quelques rires dans l’assistance.

Plus sérieusement, Edouard Philippe a énoncé le challenge du mathématicien : « Apporter une vision à cette stratégie nationale et européenne pour l’intelligence artificielle que nous voulons construire« . Concrètement, Cédric Villani devra s’appuyer sur les premiers travaux engagés et la soixantaine de propositions qui en ont découlé afin de répondre à quelques « questions existentielles » :

  • Quels sont les leviers publics à actionner ?
  • Dans quels domaines de recherche la France dispose-t-elle d’un avantage comparatif et doit-elle donc pousser cet avantage comparatif ?
  • Quelles sont les applications prioritaires à déployer ?
  • Comment empêcher nos meilleurs spécialistes de partir à l’étranger, comment faire en sorte que les meilleurs spécialistes viennent en France : la question est au moins aussi importante
  • Comment enfin la puissance publique doit-elle intégrer la nouvelle donne posée par l’intelligence artificielle et ses conséquences au cœur de son action, de sa réflexion, dans le domaine économique bien sûr mais également pour appréhender les sujets étiques et juridiques ?

« Notre idée en confiant cette mission à Cédric, c’est d’engager la réflexion ou plus exactement de l’animer, de la réorganiser, de la porter pour qu’à partir de ce substrat, de ces orientations, le gouvernement puisse fixer les axes d’une stratégie publique claire, assumée en matière d’Intelligence artificielle« , a indiqué le ministre.

Un vrai challenge ! En attendant des mesures concrètes…