Par Antoine Flandrin
La politique de la présidente d’Arte France, Véronique Cayla, qui s’applique depuis plusieurs années à rendre la chaîne plus accueillante, récolte de bonnes audiences.
En 2011, Véronique Cayla entreprenait de dépoussiérer la grille des programmes de la chaîne culturelle.
Depuis, elle l’a peaufinée, avec cette même volonté d’« être moins docte », « plus accueillant avec le public », et « de montrer que l’humour n’est pas interdit sur Arte ». Les résultats sont au rendez-vous. En France, les audiences ont augmenté de 50 % sur les cinq dernières années.
Arte a fait du cinéma grand public l’un de ses points forts. En 2015, la chaîne a réalisé sa meilleure audience avec Le Vieil Homme et l’enfant, de Claude Berri (1,7 million de téléspectateurs) et s’est surtout appuyée sur des valeurs sûres : Taxi Driver, Les Affranchis et Le Temps de l’innocence, programmés dans le cadre du cycle consacré à Martin Scorsese, ont tous les trois dépassé le million de téléspectateurs. « Nous savons que le cinéma américain a cette force de plaire à nos deux publics, français et allemand, explique la présidente d’Arte. Ces films ont été diffusés dans le cadre d’un accompagnement de l’exposition à la Cinémathèque. Ils n’ont pas été proposés comme ça, un dimanche soir, pour rapporter de l’audience. »
« Rassembler un public familial »
Reste que certains films grand public comme Un poisson nommé Wanda ou Cartouche avec Jean-Paul Belmondo, programmés par Arte fin décembre, ont déjà été diffusés à de maintes reprises sur d’autres chaînes françaises au cours des dernières décennies. Arte serait-elle devenue moins exigeante avec son public ? « Les vacances scolaires sont le seul moment où nous arrivons à rassembler un public familial, rétorque Véronique Cayla. Regarder Arte en famille n’est pas un réflexe. »
Les audiences des documentaires, principal genre de la chaîne, ont, pour leur part, progressé de 5 %. Plusieurs documentaires d’investigation de très bonne qualité ont réuni plus d’un million de téléspectateurs. C’est le cas de Daesh, naissance d’un Etat terroriste (1,3 million de téléspectateurs) et de Hiroshima, la véritable histoire (1,2 million), pourtant diffusé au mois d’août. « J’aimerais que nous fassions plus d’investigation, affirme Véronique Cayla. Nous sentons que notre public nous fait confiance sur les grandes enquêtes. Il ressent que nous ne sommes pas soumis à des pressions. Arte a l’avantage de ne pas faire de publicité et de peu traiter de politique nationale. »
En France, les audiences ont augmenté de 50 % sur les cinq dernières années
Véronique Cayla concède que les documentaires ne sont pas tous réussis. « Du côté allemand comme du côté français ! », dit-elle, admettant par exemple que les critiques émises à l’encontre des Poupées russes, diamants et grosse cylindrées – étude sur le milieu fermé des oligarques russes – « étaient justifiées ». « On ne peut pas tout maîtriser, reconnaît-elle. Notre antenne est composée de 40 % de programmes français, 40 % allemands et 20 % de Strasbourg liés à l’actualité. Nous ne sommes pas toujours d’accord entre Français et Allemands, mais nous en parlons ensemble. Avec les Poupées russes, cela a été d’autant plus difficile que ce documentaire a été un succès en Allemagne. »
A l’inverse, certains documentaires très pointus tels Le Dernier procès de Kafka ou Violette Leduc, la chasse à l’amour, certes diffusés en deuxième partie de soirée, s’adressaient à un public averti. « J’aimerais que ces documentaires soient plus accessibles, plus pédagogiques dans les cinq premières minutes », observe Véronique Cayla.
2016, une année déterminante
Avis au prochain directeur de l’unité société et culture qui remplacera avant la fin du mois Martine Saada, dont le départ a été annoncé par la chaîne, lundi 11 janvier. « Martine Saada présente un très beau bilan, insiste Véronique Cayla. Elle a notamment contribué à réinstaller la littérature sur Arte. Elle a porté avec une grande rigueur des programmes très ambitieux comme “Jésus et l’Islam” qui ont été accueillis avec beaucoup de respect par notre public. »
L’année 2016 sera une année déterminante pour Arte. Bruno Patino, nouveau directeur éditorial de la chaîne depuis octobre 2015, réfléchit à une relance des programmes. « Il aura certainement envie d’imprimer sa marque », note la présidente d’Arte, dont le mandat sera reconduit en avril, pour une durée de cinq ans.
Véronique Cayla suivra de près le lancement de la nouvelle chaîne d’information annoncée par la présidente de France Télévisions, Delphine Ernotte. En 2015, les audiences d’« Arte Journal » et « 28 Minutes » ont crû de 11 %. « Ce lancement ne nous gêne pas, assure la présidente d’Arte. Notre information est différente de toutes les chaînes d’infos existantes, elle ne parle que de politique étrangère, il n’y a jamais de faits divers, jamais de micro-trottoir. »
Source : Arte élargit son public